jeudi 10 septembre 2009

In publicité veritas ?


C'est une publicité pour une entreprise de soutien scolaire, coutumière des campagnes provocatrices.

Trois portraits, plan américain, trois personnes qui regardent dans le lointain avec un air de sourire ou de préoccupation. Un journal ouvert, une tasse de café, un sac qui n'est pas un cartable, voilà pour les attributs. Le plein air, une terrasse, un bus, voilà pour les lieux. Noms et prénoms pour chacun, suivis de la mention "Enseignant en…" histoire, mathématiques, français. Un texte de trois lignes évoque la situation et leurs pensées. En bas à droite, le nom de l'entreprise et un slogan : "Croire au potentiel de chacun".

Les luttes de l'année 2008-2009 qui ont consisté, pour le dire vite, à alerter sur le démantèlement du service public d'enseignement, de la maternelle à l'université, auront sans doute été vaines, à brève échéance en tout cas. On ne peut en effet pas déterminer si elles sont un soubresaut de la défense des valeurs d'une république française honteuse de n'avoir pas tenue ses promesses, ou si elles sont la figure de proue d'une pensée humaine qui triomphera lorsque la période du capitalisme sera éteinte, au plan mondial. Ou les deux.

L'entreprise de soutien scolaire danse sur les tombes de ces luttes en affichant de nouvelles figures de profs, mensongères à double titre : donner des cours dans une entreprise de soutien scolaire ne fait pas de vous un professeur (le terme n'est d'ailleurs employé qu'avec son diminutif), et ne vous garantit pas de connaître le bonheur grave de l'enseignant qui fait réussir son élève. Quant à la croyance dans le potentiel de chacun, en guise de promesse mystique et volontariste…

Que disent-elles, ces figures ?

Pas d'institution, pas de collègues, pas de chef, pas d'établissement scolaire, le prof, tel qu'en lui-même, dans sa solitude et son indépendance.

Pas d'élèves, pas de groupes, pas de tableau, pas de craie, pas de photocopies, le prof pur esprit dans un moment de rêverie.

Pas de réunions, pas de cantine, pas de sueur, le prof satisfait, dans son inquiétude douce.

En revanche, un titre, une place sociale, je suis prof tout de même, n'est-ce pas ? Cela me réjouit, me réconforte, je suis quelqu'un.

Quand l'Education ne sera plus nationale, ces publicités seront lancées par les gouvernements ou par les collectivités territoriales en charge d'embaucher des "enseignants". Ils seront nombreux, diplômés, à la recherche d'un emploi temporaire, sans formation professionnelle, à espérer obtenir un contrat dans le lieu d'instruction le plus proche possible de leur domicile ou pour un poste bien rémunéré. Ils seront contents qu'il n'y ait plus de concours, plus d'inspections, plus d'affectations imposées, plus de syndicats, plus d'IUFM, à peine des programmes en forme d'objectifs. Quand ils n'auront pas réussi à faire lire le quota imposé dans leur classe de CP, à moins qu'ils n'acceptent de repeindre la salle polyvalente pendant l'été, ils seront remerciés et chercheront un autre lieu d'instruction un peu moins proche de leur domicile et un autre poste un peu moins bien payé. Ils auront une tête de trader et le secret espoir d'ouvrir leur propre boîte.

Il y a quelque chose de prémonitoire dans ces figures. Comme si la publicité disait l'avenir.

Sauf qu'elle dit l'avenir en se soumettant au présent. Les temps sont au chacun.

Trouverons-nous les forces pour que l'avenir soit au tous ?

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